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La Traction fantôme
16 juin 2006

3ème partie : Derrière la porte…

Dans la pénombre de sa chambre d’hôtel, Oreste-Paul Janfoutre, dit OPJ, se reposait sur son lit en tirant doucement sur sa Gauloise. La route l’avait fatigué et, prévoyant de retourner cette nuit à la petite masure en brique, sa nuit allait être courte. Il avait tenté de téléphoner au commandant Caille, son ancien client, qui lui avait donné l’adresse, mais il n’était pas parvenu à le joindre.

Depuis le temps qu’il enquêtait dans l’ombre, il avait fini par comprendre pourquoi tant d’énergie avait été déployée, une trentaine d’années en arrière, pour étouffer la triste affaire dite de la "traction fantôme".

C’était très simple. Cette même année, le député-maire de la ville où OPJ faisait son stage, Dominique Ricard-Troplein, un riche industriel qui avait repris tant bien que mal les affaires de son père, était candidat à l’élection présidentielle. Il avait beaucoup de mal à faire oublier aux électeurs une sombre affaire de trafic de voitures de luxe dans laquelle il avait été mouillé jusqu’au cou et s’était ridiculisé cinq ans auparavant. Trois Maserati et deux Ferrari volées avait été retrouvées par les enquêteurs dans le garage de son Château. Il était devenu la risée de tous en déclarant à la presse qui le suivait, un jour qu’il sortait excédé d’un repas d’affaires, certainement bien arrosé, je cite "Ces voitures sont arrivées chez moi toutes seules ! Ce sont des voitures enchantées et maintenant foutez moi la paix, je n’ai rien à vous dire !". Cette phrase enregistrée et diffusée le soir au JT fit se gondoler le pays entier !

Quand Ricard-Troplein lut dans FCF un article sur une prétendue "voiture fantôme" retrouvée sur sa commune, son sang ne fit qu’un tour ! Il se dit évidement que cet article était un canular destiné à le ridiculiser une fois de plus et se jura d’avoir la peau du petit con de journaleux qui en était responsable ! Il paierait pour les autres !

Il convoqua aussitôt le Boss de FCF pour faire virer OPJ sur le champ. L’homme était influent et avait des amis bien placés. Il fit pression sur la gendarmerie pour que plus personne ne prononce un seul mot sur cette affaire et acheta le silence des chasseurs en finançant, sur le budget de la ville bien sûr, de superbes palombières.

Lorsque Ricard-Troplein vit de ses yeux la voiture fantôme, enchaînée dans le garage de la gendarmerie, il compris que ce n’était pas un canular et par conséquent, c’était bien plus grave !

Il ne fallait surtout pas que la presse nationale s’empare de ce phénomène, le sujet était trop sensible, il en allait de la réussite de sa campagne électorale pour laquelle il avait déjà dépensé énormément. Il ordonna que la traction soit mise en pièces immédiatement !

C’est Horace Caille, un jeune et intègre lieutenant de gendarmerie qui en fut chargé. Ne voulant pas détruire cette étrange voiture, il se contenta de la dissimuler et fit croire à son supérieur qu’il l’avait fait détruire, il pensait la confier plus tard aux mains des Renseignements Généraux pour tenter d’expliquer ce curieux phénomène… Mais, trois fois hélas, Ricard-Troplein fut élu président de la république. Plus question de reparler de cette voiture, le jeune lieutenant tenait quand même à sa carrière, d’autant plus qu’il épousa quelques, années plus tard, la secrétaire de FCF, une certaine Sylvie Situde, et fonda une famille, plus question de prendre le moindre risque…

C’est ainsi que l’affaire fut étouffée à cause d’un politicien véreux et que la vie professionnelle et sentimentale d’Oreste fut détruite… En ce qui concerne cette dernière, Oreste était toutefois assez content de la petite revanche que la vie venait de lui offrir en mettant sur son chemin, bien des années après, ce jeune lieutenant, devenu commandant… "Cette pauvre Sylvie n’est pas prête de se remettre de son divorce, j’ai fait d’une pierre-deux-coups !" se dit-il satisfait en écrasant son mégot contre la table de nuit avant d’éteindre la lumière.

A minuit exactement, le réveil le tira de son sommeil. Oreste-Paul s’habilla rapidement et en silence. Il sorti de l’hôtel discrètement et se dirigea vers le parking. Il vérifia que tous les outils dont il avait besoin étaient dans le coffre de sa 403 et retourna à la petite maison de briques.

Sur son autoradio, M’sieur Eddy lui entonnait sa chanson favorite…

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"Il écrase sa cigarette
Puis repousse le cendrier,
Se dirige vers les toilettes,
La démarche mal assurée.
Il revient régler ses bières,
Le sandwich et son café.
Il ne rentre pas ce soir.

Le grand chef du personnel
L'a convoqué à midi :
"J'ai une mauvaise nouvelle.
Vous finissez vendredi."….

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Sous la lumière blafarde de la lune, il commença par dégager la végétation qui bloquait la porte. Ce travail lui pris deux bonnes heures et l’épuisa, c’est qu’Oreste descendait plus vite une bouteille de scotch qu’il ne courait le 400m… Il avait maintenant accès à la chaîne qui fermait les deux battants de la lourde porte. Le cadenas était d’un très vieux modèle et complètement rouillé. Visiblement se dit-il, celui qui semble surveiller les lieux ne rentre jamais. Il n’avait pas de pince assez robuste pour couper le cadenas mais le bois pourri de la porte lui donna une idée.

Il attacha solidement le cadenas avec une longue chaîne au châssis de sa 403 et accéléra brusquement. Les ferrures s’arrachèrent du bois vermoulu. 

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La porte pouvait maintenant être ouverte.

Oreste pris sa lampe torche et commença à pousser les lourds battants. Dans un grincement strident, il entrebâilla la porte et jeta un regard inquiet sur l’écriteau signalant "Danger, ne pas ouvrir". Tant pis se dit-il !

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Il braqua le faisceau de sa lampe à travers l’entrebâillement et son sang se glaça…

A suivre...

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