Oreste-Paul Janfoutre, dit OPJ, revint au hangar où était enfermée la mystérieuse traction qu’il recherchait depuis plus de trente ans. En quelques heures seulement, il était parvenu à rassembler tout le matériel qui allait lui permettre de la remettre en marche, notamment une batterie 6 volts, de l’huile, de l’eau, de l’essence et bien sûr, quatre pneus en bon état avec l’outillage nécessaire pour les monter.
Il n’était pas très calé en mécanique, mais il avait passé pas mal d’heures sous le capot de sa 403 et connaissait l’essentiel. Le moteur de la traction semblait de toutes façons en excellent état.
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Sur la porte du hangar il trouva un morceau de papier collé avec un chewing-gum. Sur ce papier avait été tapé à la machine : "Vous avez ouvert cette porte que j’ai fermé il y a trente ans. Sachez que je ne ferai rien pour entraver votre projet. Je suis même soulagé que vous me débarrassiez de ce fardeau. Mais quoi qu’il arrive, n’espérez pas mon aide".
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Le message n’était pas signé mais Oreste-Paul devina facilement qu’il était l’oeuvre ce cher Horace Caille, le commandant de gendarmerie à la retraite. Celui qui lui avait échangé l'adresse de la cachette de la traction contre des preuves bidons contre son ex-femme lors de son divorce. "Ce type n’avait pas été un modèle de courage au cours de son divorce, il restera décidément un lâche jusqu’au bout..." Soupira Oreste-Paul. "La seule chose de bien qu’il ait eu le courage de faire est de ne pas avoir détruit la traction, et encore, il l’a certainement fait par peur d’une malédiction quelconque. S’il ne s’oppose pas à moi, c’est tant mieux, il doit se dire que c’est sur moi que la malédiction s’abattra !". Cette idée le fit d’abord sourire... Puis lui donna froid dans le dos…
"Allons !" Se dit-il pour se redonner du courage "Je ne vais pas me mettre à avoir peur moi aussi ! Par ailleurs, ce pourri de Ricard-Troplein est au Panthéon et l’opposition au pouvoir depuis 15 ans, tout le monde a oublié cette vieille affaire, elle ne gênera plus personne.".
OPJ se disait qu'il était sur le point de montrer la vérité à tout le pays. Il demanderai ensuite réparation à FCF, il irait jusqu’au procès pour obtenir un maximum de fric de ces enfoirés qui avaient contribué à briser sa carrière. Il avait accumulé toutes les preuves de la machination dont il avait été victime. Toutes ou presque, car il lui manquait encore la clé de toute l’affaire : La preuve que la traction était véritablement animée par une force mystérieuse, qu’elle était "hantée" comme il l’avait écrit dans son article.
Avant de réunir des témoins et de convoquer la presse, il devait toutefois en être sûr ! Il n’était pas question pour lui de se ridiculiser une seconde fois… C’était la quête de sa vie, mais depuis quelques jours, OPJ n’avait plus aucune certitude…
Il se mit au travail. Il installa la batterie, changea l’huile, l’eau, les filtres, fit le plein et tenta de démarrer le moteur. A sa grande joie, le vieux quatre cylindres démarra dans un nuage de fumée après plusieurs coups de démarreur. "Ca marche !" s’écria t-il, comme s’il lançait le premier cri d’une victoire qu’il sentait toute proche… Il changea ensuite les pneus...
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A l’aide de crics, il reposa la traction sur ses roues. Il s’assit victorieux derrière le volant et essaya à nouveau de démarrer. Mais cette fois, le moteur ne voulu rien savoir. Il essaya et essaya encore, il utilisa même la manivelle… Il n’y avait rien à faire. Il ouvrit le capot, mais le hangar était sombre et il voyait mal, alors il décida de sortir la voiture en la poussant pour y voir plus clair.
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Tout semblait pourtant parfait. C’était à n’y rien comprendre… "C’est bien ma veine" pesta OPJ, "Qu’est ce que je vais bien pouvoir faire maintenant si cette maudite voiture refuse de démarrer ?".
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L’excitation retombant quelque peu, il sentit la fatigue monter en lui. Il n’avait pas arrêté depuis minuit. Il alluma une cigarette et fit quelques pas dans le chemin pour réfléchir.
En quelques minutes, une épaisse brume s’était levée et un froid glacial transperça sa fine chemise...
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Il frissonna en se disant que ce devait être la fatigue. Il regardait la traction. La brume devenait si épaisse qu’elle obscurcissait complètement le ciel, on aurait dit que la nuit tombait, OPJ regarda sa montre, il n'était pourtant que quatre heures de l'après-midi et c'était le mois de juin...
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Oreste-Paul tourna les talons et s’éloigna en direction de sa 403 pour chercher sa veste, posée sur le siège arrière. Il marchait à grands pas lorsque, dans son dos, un grondement mécanique le fit sursauter. Il se retourna. C'était la traction qui venait de se mettre en marche toute seule.
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Pétrifié par ce spectacle, Oreste-Paul vit les roues avant patiner dans le chemin de terre et la voiture s’élancer à vive allure dans sa direction...
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A suivre…